Surpluskilling - Théorie vs Réalité - Séquence 9

Titre : Effet de surplus killing : illustration et analyse

Source : Projet CanOvis - IPRA

Description : Réflexion sur les causes du surplus killing.

Ces images et vidéos sont propriété de l'IPRA, toute utilisation et reproduction est interdite sauf autorisation expresse et contractuelle. Nous contacter

Comme la plupart des canidés, le loup peut provoquer sur les populations proies des dommages au-delà de ses besoins alimentaires : plusieurs animaux tués et/ou blessés, peu ou pas consommés. On parle alors de surplus ou over-killing.

Ce comportement « aberrant » peut s’expliquer par la conjonction de facteurs propres au prédateur – un comportement (patron moteur) inné de tuer à chaque fois que cela est possible – et à certaines proies plus abondantes (stimulus déclencheur) et vulnérables, qui multiplient, selon les contextes, les occasions faciles de tuer plus que nécessaire. Ainsi ce phénomène est bien connu sur les animaux domestiques, mais il peut également être observé, pour le loup, sur des proies sauvages dans des contextes particuliers (concentration d’ongulés en migration, groupe bloqués par une neige abondante, vêlage…).

En France, la moyenne d’animaux tués par attaque s’élève généralement à 3 ou 4 individus (sans compter les blessés). La plupart de ces victimes ne sont pas ou peu consommées, à fortiori si l’intervention des CPT, du berger … empêche le/les loup/s de passer à la phase de consommation. Lors de certains épisodes de surpluskilling sévères plus d’une dizaine d’animaux peuvent être touchés Peu d’informations précises permettent d’analyser plus finement les mécanismes qui engendrent ces tueries : ce qui fait basculer d’une « banale » attaque pour répondre au stimulus de la faim à un "carnage" sans véritable bénéfice alimentaire (à moins d’un charognage ultérieur ?)

Le cas décrit ici ne concerne que 2 brebis et 1 loup, il illustre néanmoins le phénomène mais par ailleurs remet en question certains des éléments avancés pour expliquer ce comportement déprédateur très pénalisant et traumatisant pour le troupeau, les éleveurs et les bergers.


L'observation

Après un début de nuit au pâturage, le troupeau est en couchade libre sur une crête. Deux brebis « à la traine» sont isolées à plus d’un km du troupeau. Elles n’ont pas suivi et se sont cantonnées pas très loin du point d’eau que visite chaque soir le troupeau.

Extrait n°1 : Première prédation

En milieu de nuit un loup parcourt le pâturage et « surprend » les brebis, l’attaque (non visible par l’observateur) est instantanée, l’une des brebis est prédatée en fond de cuvette, l’autre s’enfuie et se stoppe, nerveuse, à plus d’une centaine de mètre, sur le plateau.

Extrait n°2 : Seconde capture

Suite à 10 mn de consommation sur la brebis prédatée, le loup se lance après la deuxième, toujours immobilisée et hors de portée de (sa) vue. Il remonte sa piste, la poursuit et fini par la capturer par l’arrière-train. Il consomme quelques instants sur l’animal et s’en retourne sur la carcasse de la première brebis

Extrait n°3 : Epilogue

Un des CPT qui « traînait » près des abreuvoirs, se rapproche, visiblement intrigué (par des bruits ? des odeurs ?) mais sans détecter le loup qui quitte la zone avec un morceau de la carcasse (épaule).La deuxième brebis n’est « que » blessée, elle tente de se mettre à l’abri dans une dépression du plateau. Le loup ne l’a pas mise à mort, mais l’a consommée vivante !

Le loup reviendra une heure plus tard s’alimenter sur la carcasse avant de quitter le pâturage en fin de nuit, en passant non loin de la brebis grièvement blessée.Les deux animaux seront récupérés au matin par l’éleveur. La brebis blessée ne survivra pas malgré les soins.


Analyse

Un loup en chasse, efficace

A voir évoluer le loup sur le pâturage avant cette action, il est visiblement en prospection aléatoire. Ces deux brebis isolées et affaiblies (une boiteuse et une gestante) représentent une opportunité circonstancielle très favorable pour lui. Il sait la saisir, l’attaque est fulgurante et efficace. Aucun évènement extérieur ne perturbe son action, aussi bien durant la chasse que durant la consommation qui suit.

Alors comment expliquer la deuxième prédation ?

Le comportement prédateur-déprédateur du loup est généralement décrit par une succession de séquences comportementales (patrons moteurs) orchestrées par différents stimuli, de la faim à la satiété, en fonction des réponses comportementales de la proie.

Il est habituellement admis que lors de l’approche d’une proie, c’est son mouvement de fuite qui déclenche la poursuite. C’est à l’inverse, l’absence de mouvements de la proie mise à mort (et pour cause) mais aussi dans l’environnement proche de la scène qui ferait passer le loup de la phase de prédation à la phase de consommation.

Dans ce cas, le loup interrompt sa consommation pour « s’occuper » de la deuxième brebis qui est immobile, loin de lui et hors de sa vue. Aucun stimulus « classique » (abondance, mouvements …) ne vient donc expliquer son comportement si ce n’est que ce loup a « conscience » de cette brebis qu’il a vu fuir lors de sa première attaque.

Il va capturer facilement cette « boiteuse » et consommer directement sur elle, sans la mettre à mort. On est ici aussi à contre courant du schéma admis qui fait de la mise à mort (morsure à la gorge) l’acte obligé avant le passage au comportement de consommation. Il faut noter néanmoins que ce comportement est observé aussi sur des proies sauvages de grande taille (bison par exemple).

La brebis consommée vivante

La faim comme moteur, mais pas que …

Le loup délaisse rapidement la brebis qu’il a grièvement blessée pour reprendre une phase de consommation importante sur la carcasse de la première brebis. Cette prédation est donc largement rentabilisée, surtout pour un individu seul. On peut supposer que la faim a bien été le principal facteur qui l’a conduit dans cette première prédation. Mais quelles réponses à apporter pour expliquer la seconde prédation ? La stratégie de faire des réserves, la nécessité innée d’exploiter au maximum une situation inhabituelle ultra favorable, etc ? Probablement que la faim n’est pas la motivation principale au déclenchement d’une phase de surplus killing. Plus que le besoin de consommer, c’est le fait de capturer qui semble motiver les assauts successifs. Visiblement, le comportement des brebis n’est pas non plus un stimulus important. Nos différentes observations durant le projet CanOvis suggèrent que le phénomène de surplus killing est plus complexe que la seule séquence comportementale de prédation classique qui « dérape ».

Pour plus de développements sur le surplus killing voir le Rapport final du projet CanOvis.

Carcasse de la brebis prédatée et consommée

Réalisées dans le cadre du suivi nocturne du projet CanOvis, ces images présentent un caractère exceptionnel. Elles fournissent des données qui confirment certaines connaissances déjà établies mais révèlent également des informations inédites sur les interrelations entre loups, troupeaux et système de protection, qu’il convient d’aborder avec prudence et rigueur scientifique.

Mots clés: Vidéos CanOvis

Qui sommes nous ?

L’IPRA (Institut pour la Promotion et la Recherche sur les Animaux de protection) a été créé en 1997 par Jean-Marc Landry, biologiste et éthologue, à la suite du retour du loup en Suisse et l’introduction des premiers chiens et ânes de protection.

Son objectif ? Trouver des solutions adaptées pour permettre une cohabitation durable entre le pastoralisme et les carnivores.

Continuer

Nous contacter

Jean-Marc LANDRY
06 79 32 84 45

Jean-Luc BORELLI
06 84 75 05 13

SUISSE
Rue de Bonnefille 1
bât. des Gentianes 5
1972 Anzère (Ayent), Valais

FRANCE
1930 route du pontet
74300 La Frasse, Haute-Savoie

Envoyer un email

Copyright © - IPRA LANDRY - Tous droits réservés
Web conception 2018 - Gus LYON